humanités numériques. L’approche conjugue des présentations d’invités avec des rencontres-débats en ligne entre les participants ainsi que des activités pratiques d’éditorialisation numérique. Elle vise la mise en commun des recherches effectuées, le développement d’un dispositif d’éditorialisation numérique ainsi qu’un processus continu de réflexion critique.
Présentation du séminaire (exceptionnellement le lundi 18 janvier)
Dans le cadre des journées Cross media.
De la tromperie au canular : le mélange des réalités en arts vivants (Robert Faguy)
Si le théâtre a toujours été un art qui a mis de l’avant des stratégies propres à créer l’illusion, les nouvelles esthétiques ont modifié grandement le contrat spectatoriel en faisant intervenir sur scène des régimes performatifs (on parle ainsi de présentation au lieu de représentation) et technologiques (comme le visuel médiatisé qui est le média par excellence pour se prêter à des exercices docu-menteurs). À l’aide d’exemples, on tracera ainsi certaines lignes qui aident à réfléchir sur la manière dont la manipulation prend maintenant place au sein de l’expérience scénique partagée.
L’illusion est un objet. Perspectives néomatérialistes sur les arts trompeurs (Jean-Marc Larrue)
De plus en plus de courants néomatérialistes se penchent sur la question de l’illusion, de l’« excommuniqué », de la fiction en lien avec la matière. Au-delà des enjeux définitoires que soulève cet intérêt, je me pencherai sur les nouvelles voies qui s’ouvrent ici pour l’analyse des phénomènes de médiation dont les arts trompeurs offrent des exemples saisissants.
L’étude des controverses : littéracie des fake news et formation à l’esprit critique (Orélie Desfriches Doria)
L’impact des écrans sur les plus jeunes est un sujet d’inquiétude et de préoccupationpour les parents, les éducateurs, les pouvoirs publics et les acteurs politiques. Cette présentation traite des différentes phases d’une recherche-action en cours, entamée il y a deux ans, visantl’éducation à l’esprit critique et à la culture numérique. Il s’intéresse plus particulièrement à laconstruction médiatique d’un discours alarmiste - à certains égards proches de la fake news -susceptible de fabriquer des inquiétudes et à la manière dont ce discours peut être réceptionnépar un public de parents. Enfin, nous présentons le projet Polemika qui a pour objectif de créerun habitus de réception des discours alarmistes médiatiques, afin d’aider les citoyens àdévelopper leur lecture critique, en s’appuyant sur l’étude de la nature des émotions ressentieslors de la réception des fake news.
Humanisme numérique pour manipuler des connaissances entre confiances intimes et numériques (Samuel Szoniecky)
Entre pouvoir de discernement et pouvoir d’agir, nous manipulons nos connaissances avec des analogies qui coordonnent nos perceptions et nos actions. Nous tapons sur nos claviers, nous changeons la vitesse de notre voiture ou nous répliquons à un argument qui nous semble fallacieux, d’autant plus automatiquement que nous sommes confiant dans ces analogies. Nous construisons continuellement depuis notre naissance cette confiance intime qui règle nos rapports intuitifs avec le monde en faisant l’économie de l’analyse, du calcul et de l’argumentation : je le sais parce que je le sens. Mais parce qu’elle s’ancre profondément dans notre intimité, cette confiance est facilement manipulable par des émotions et donc par ceux qui jouent avec elles. A l’inverse, dans le monde du Web sémantique et du LinKed Open Data, la confiance est le résultat d’une construction de rapports formels. Ici plus de place pour l’émotion, seul compte la calculabilité des formes symboliques. Parce qu’elle se base sur des savoirs très techniques, cette confiance n’est pas facilement manipulable par tous mais uniquement par des experts. Dans un monde où la perte de confiance est le symptôme de plus en plus flagrant d’un malaise dans la civilisation, peut-on concevoir un humanisme numérique qui associe confiances intime et numérique pour coordonner collectivement nos perceptions et nos actions ?
Faits, perspectives, orientations : La (post) vérité n’existe pas (Yves Citton)
Cette présentation proposera de prendre envers les notions de post-vérité et de fake news la distance de trois décadrages. D’une part, les faits sont toujours des facta : même lorsqu’ils correspondent à une réalité attestée, ils ont été constitués comme « faits » par des dispositifs technico-idéologiques (de même que les data sont toujours des capta). Ensuite, les faits sont toujours vu à partir d’un nombre limité de points de vue : c’est la perspective dans laquelle on les voit/place qui leur donne une partie de leur signification. Enfin, la perspective elle-même ne peut conférer du sens qu’à partir d’orientationsgénérales (idéologies), structuratrices de valorisations qui sont toujours culturelles. Il résulte de ces décadrages que « la » vérité au singulier n’a jamais existé parmi les humains, et que la post-vérité est un faux problème, le vrai écueil sur lequel butent nos systèmes (mal-nommés) d’« information » étant avant tout celui de la pertinence. En revanche, les mutations du paradigme indiciaire (avec l’avènement des « deep fake »), la fluidification des reconnaissances d’autorité, et la capacité à assurer des chaines de référentialité fiables sont bel et bien des questions cruciales pour essayer de moins mal comprendre notre présent.
Hyperstition, spéculation et complot : schizoanalyse des imaginaires conspirationnistes (Fabien Richert)
Cette intervention sera l’occasion de présenter le concept d’hyperstition. Conçu à partir d’une contraction des mots « hyper » (intensité excessive) et « superstition » (fétichisme, surnaturel, force occulte), le concept d’hyperstition est utilisé pour penser le pouvoir suggestif et fantasmatique de certaines fictions et autres composés narratifs qui brouillent les frontières entre le vrai et le faux, la théorie et la fiction. Ces composés narratifs dits « hyperstitionnels » disposent également d’une puissance performative en raison de leur capacité à esquisser de manière plausible des modèles explicatifs de certains phénomènes et événements qui résistent toujours plus ou moins à la compréhension individuelle et collective. Nous reviendrons succinctement sur la généalogie d’un tel concept qui provient d’un ensemble de chercheurs et d’étudiants de l’Université de Warwick. Passionnés par la cyberculture et la French Theory, regroupés autour de la Cybernetic Culture Research Unit (CCRU), ces chercheurs ont notamment participé au développement des thèses très controversées de l’accélérationnisme. À cette allure occulte, ésotérique, voire complotiste qui caractérise leurs travaux, s’articule une tentative de compréhension des dynamiques actuelles et futures du technocapitalisme par l’intermédiaire de théories qui puisent abondement dans les imaginaires catastrophistes, surnaturels et occultes. En nous appuyant sur quelques exemples concrets, et en nous servant du vocabulaire emprunté à la schizoanalyse deleuzo-guattarienne (diagramme, flux, territoire, univers de valeurs) ‒ ayant notamment inspiré les travaux du CCRU ‒, nous testerons la pertinence du concept d’hyperstition pour aborder certains traits caractéristiques de la logique spectaculaire de ce qu’on a proposé d’appeler, faute de mieux, l’ère de la post-vérité.
Note: changement à l’heure avancée à Montréal.
Gouvernementalité algorithmique (Thomas Berns)
L’intervention traitera de la question des fakes en se positionnant théoriquement dans une perspective relevant d’abord de la philosophie politique, plus particulièrement sous l’angle d’une concurrence des normativités, et parmi ces dernières dans le cadre de l’interaction entre FN et gouvernementalité algorithmique, avec le prétendu retour d’un positivisme qui accompagne celle-ci.
Les contenus journalistiques comme révélateurs de la complexité des rapports au vrai et au faux (Alexandre Coutant)
Le milieu journalistique a tendance à considérer les “fake news” comme un phénomène situé à l’extérieur de ses frontières. Il reproduit ainsi une vieille partition entre les institutions médiatiques autorisées à dire et commenter le monde et la grande masse des publics supposée cantonnée à la réception de leurs contenus. Les enquêtes à propos des pratiques informationnelles laissent cependant percevoir une toute autre réalité, où les formes de contenus consommés sont bien plus diversifiées et où les attentes formulées à l’égard des autorités informationnelles forgent une représentation plus riche de ce qui est considéré comme vrai ou faux par les publics. L’intervention identifiera ces attentes et proposera une analyse de contenus journalistiques québécois dans l’espoir de convaincre qu’une attention à produire du fiable sera certainement plus porteuse de bénéfices collectifs que de traquer les infinies variété du faux.
Note: changement à l’heure avancée à Montréal.
Les arcanes du vrai à l’heure des deep fakes : authenticité et dispositifs de véridiction. (Angelina Toursel, Philippe Useille)
Comme phénomènes de désinformation, les deep fakes suscitent de plus en plus l’inquiétude. L’IA, sur laquelle ils reposent, perfectionne la possibilité de truquer les images et les sons. La technologie étant devenue accessible, la fabrication de deep fakes semble désormais à la portée de tous. Leur multiplication et leur diffusion annoncées sont perçues comme un nouveau facteur de désordre informationnel. En effet, les deep fakes sont un nouvel avatar des “puissances du faux” : ils miment ce qui fait l’authenticité d’un enregistrement audiovisuel tout en brouillant sa référentialité. Que disent les deep fakes des régimes d’interprétation qu’ils supposent et des “arcanes du vrai” à l’ère dite de la “post-vérité”?
Le réel «performé» des dispositifs ludiques de téléréalité (Pierre Barrette)
Les émissions de téléréalité ont contribué significativement à transformer la manière dont la télévision «produit» de la réalité et «documente» le réel existant, influençant par là-même notre rapport à l’expérience ainsi que la manière dont nous envisageons la vérité des «événements médiatiques». Au-delà du «mélange des genres» qu’elle suppose sur le plan des effets de surface et du dispositif, la TR doit être étudiée pour ce qu’elle révèle des constructions énonciatives originales qu’elle engage le téléspectateur à produire et des conséquences de celle-ci sur le statut respectif de la fiction, du documentaire et des jeux en contexte de communication télévisuelle.
Pouvoirs d’agir, autorités et visibilité dans les espaces numériques (Marcello Vitali Rosati)
Les fake news au cœur de l’écosystème socionumérique de l’information (Arnaud Mercier)
La participation aux séances est offerte à tous et à toutes. Laissez-nous votre courriel pour obtenir l’accès aux séances virtuelles.